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Festival Européen du Film Fantastique de Strasbourg 2017

    Commençons par un regret : j’aurais aimé vous décrire le FEFFS de long en large, voir la plupart des films à l’affiche, peut-être même les cérémonies (bon ce n’est pas trop ma came en général, je ne vais pas faire « genre ») etc. Sauf que je n’habite plus dans la capitale alsacienne. Je me suis donc rendu à Strasbourg seulement le temps d’un week-end et n’ai pu voir que cinq films... C’était déjà ça et je tenais à ne pas louper ce rendez-vous. Le FEFFS prend chaque année des galons et comble l’amateur de bizarrerie en tout genre. La qualité est souvent de mise et ne se résume pas seulement au fantastique/horreur. C’est une des forces de ce festival : on ne sait jamais quel objet nous allons contempler ni dans quels recoins tordues/oniriques l’œuvre va nous emmener. L’ampleur du festival peut également se mesurer aux noms qui ont déjà présidé le jury. Dario Argento, George Romero, Tobe Hooper furent ainsi de dignes présidents pour un festival « fantastique ». Cette année l’honneur revenait à William Friedkin et à sa filmographie aussi variée qu’impressionnante.
    Mon week-end commence par une déconvenue. Imaginez l’angoisse, à cause de stupides bouchons sur la route, j’arrive trop tard pour voir « Terminator 2 » en 3D. D’ailleurs, qu’il soit projeté en 3D ne m’intéresse guère, mais voir ce film culte sur grand écran ce n’est pas tous les jours... En attendant la séance de 22h, on se consolera avec quelques pintes. L’alcool s’avère, de toute façon, utile pour la séance qui va suivre. « 68 kill » est en effet rangé dans la catégorie «midnight movies». C’est à dire les films thrash ou/et débiles/bizarres/nanars etc. Cessons le suspense, sans alcool le visionnage de ce film serait anecdotique. « 68 Kill » raconte l’histoire d’un looser, un «babtou fragile» comme dirait les jeunes. Amoureux transi d’une psychopathe qui va l’entraîner dans un cambriolage sanglant, notre babtou va se retrouver dans une folle fuite où il se verra constamment «bolosser» par toutes les femmes rencontrées. Une certaine idée du féminisme. « 68 kill » n’impressionne pas par sa réalisation, pour ne pas dire qu’elle est passable. On retiendra tout de même une scène de torture orgiaque somme toute bien ciselée. Les acteurs sont loin d’être brillants également... Alors quoi ?! C’est sans intérêt ?! Non, pas vraiment. Le film est réellement fun par son côté trash et salace. Ses petits airs de «parodie» de Tarantino (au moins il n’est pas aussi long que le mauvais « Boulevard de la mort ») et son côté white-trash/psychopathe à la Rob Zombie sont attachants. C’est un film de soirée, à voir avec des amis pintés.
    On aurait pu enchaîner à la sortie de ce film avec « Mayhem » qui, comme son nom l’indique,  promettait encore une belle ode à la poésie... Il est déjà minuit et la fatigue se fait sentir. Pensant retrouver un canapé où dormir en rentrant chez mes amis, je les retrouve avec une bouteille de pastis. Same old story...
    Le réveil à 10h s’avère donc «légèrement» difficile et je suis «légèrement» dans le coltard. Cela reste tout de même un petit plaisir de prendre un petit déjeuner au cinéma avant de visionner un film quelque peu dérangeant. A noter que ce fut la dernière séance où il était encore possible de voter pour un film (en vu du palmarès décerné le soir même). Il était donc de rigueur qu’une personne nous présente le film avant le visionnage. Cette présentation fut déjà révélatrice, puisque l’œuvre  d’Hitchock et « Le locataire » de Polanski furent mentionnés. En effet, « Kaléïdoscope » (Rupert Jones) rappelle indéniablement ces noms de génie. Du moins au niveau de l’ambiance, du scénario et des thèmes développés. Il va de soi que le film ne peut prétendre atteindre le statut des chefs-d’œuvre cités mais c’est sans nul doute un bon film. Le film nous plonge dans la vie d’un homme au tempérament fragile et solitaire. Après un rendez vous « Meetic », l’homme se réveille le lendemain avec ce qu’il semblerait être le cadavre de son ex-future femme dans sa salle de bain... Il est persuadé de l’avoir tuée. A l’image de son titre, le film est alambiqué, un dédale dans l’esprit malade d’un homme. La réalisation joue également avec son titre, puisque plusieurs plans récurrents renvoient au kaléidoscope. L’image maternelle qui soutient cette schizophrénie latente (symbolisée par devinez quoi ? Un kaléïdoscope) est une thématique totalement maîtrisée par le réalisateur, et là oui on pense définitivement à Hitchock (« Psychose » notamment). Néanmoins, si le film n’atteint pas une dimension excellente, c’est parce qu’il pêche par une réalisation inégale, parfois trop ordinaire et pas assez appuyée. Le rythme est aussi inégal, il manque parfois des scènes revigorant le propos du film. Une bonne découverte tout de même à n’en pas douter.
    Suite à une petite pause (il n’y avait de toute façon, l’après-midi, que des rétrospectives -déjà vues- de Friedkin), je reprends le chemin du cinéma vers 18h pour « The Crescent » (Seth A. Smith) puis « Laissez bronzer les cadavres » (Hélène Cattet, Bruno Forzani). 
    Le film américain conte l’histoire d’une femme et de son enfant suite au décès du mari/père, ces derniers partent vivre dans la maison familiale à l’étrange architecture. Rapidement un malaise s’installe avec la présence de personnes quelque peu étranges aux alentours...  Un speech classique qui va par la suite faire évoluer le film dans une dimension onirique. C’est raté. La faute à un scénario décousu et mal construit. L’histoire laisse l’impression de partir d’un point A pour aller à un point B puis à un point C (vous me suivez ?) sans qu’on ne sache réellement pourquoi et sans qu’il n’y ait réellement de sens. Le film patauge en d’autres termes. De plus, le réalisateur ne parvient jamais à créer une réelle ambiance, une scène au milieu du film (une des seules réellement belles d’ailleurs) laisse penser que le film va suivre une voie plus expérimentale. Non... le réalisateur revient rapidement à ce qu’il a tenté d’installer plus tôt : une ambiance de film d’horreur lourde et oppressante. C’est encore raté puisqu’il n’approfondit finalement aucune de ces facettes. Bref, de par une réalisation faiblarde (les mouvements de caméras sont très négligés) et un scénario qui se cherche constamment, « The crescent » s’avère décevant par rapport à ce qu’il laissait entrevoir par moments.
    C’est le sentiment inverse qui va se produire en visionnant « Laissez bronzer les cadavres ». Le premier film du duo Cattet-Forzani, « Amer », m’avait laissé pantois. J’étais en effet assez mitigé face à cette œuvre extrêmement riche d’un point de vue réalisation mais au scénario trop... ésotérique voir « what the fuck ». Les réalisateurs, avec ce nouveau film, continuent dans leur démarche stylistique, ce qui est fortement appréciable vu leur talent indéniable. Comme pour « Amer », l’hommage aux films des 60‘s 70‘s est notable (la giallo précédemment, le western/polar ici) et c’est incroyablement bien foutu. Les effets sont nombreux, allant du filtre de couleur, aux plans fixes présentés comme un tableau, en passant par de nombreuses scènes constamment revues sous l’angle d’un autre protagoniste. Ce procédé donne un rythme incroyable au film et fait même penser à Tarantino. Une comparaison au premier abord un peu facile mais qui s’avère juste tant l’américain est aussi un érudit du cinéma qui transpire l’hommage tout au long de ses œuvres. Comme pour Tarantino, Cattet-Forzani arrivent à insuffler leur propre identité et c’est bien le plus important pour ne pas tomber dans l’hommage sans saveur. C'est à travers des séquences expérimentales, ésotériques même (sans que ce soit trop), avec un personnage particulièrement mystique qu’ils imposent leur patte. Le film navigue réellement entre les genres avec grâce. J’ai oublié de le préciser, le film narre un règlement de compte dans les calanques. Bluffant, « Laissez bronzer les cadavres », a d’ailleurs obtenu le Méliès d’argent (second meilleur prix).
    Après une courte nuit, mon réveil à 10h m’apparaît comme trop fatal et je le débranche pour m’éviter une trop forte mauvaise humeur... Tant pis je ne pourrai voir qu’un film en ce dimanche, celui du début d’après-midi avant de reprendre la route.
    L’honneur revient à « Most beautiful island » (Ana Asensio). J’aurais presque pu m’en passer. Le film raconte l’histoire d’une migrante espagnole dans la dèche et ne voulant absolument pas retourner en Espagne pour x raisons. Une « amie » va lui filer un plan en or, apparemment. Elle devra juste la remplacer le temps d’une soirée pour gagner 3000-4000 dollars. Que c’est bête... Évidemment, les pauvres sont tellement pauvres qu’ils sont prêts à accepter un job sans savoir en quoi il consiste (surtout pour une femme qui doit porter une petite robe noire). Le réalisateur tente d’atténuer la pauvreté du synopsis lors d’une longue séquence, éveillant la curiosité du spectateur. Dix femmes sont ainsi regroupées dans un hangar (tout va bien), pour une soirée de riches, elles sont convoquées une à une par une femme sans qu’on sache ce qu’il advient des précédentes (une ressort, une autre non etc.) jusqu’à que notre protagoniste soit sélectionnée. Je l’avoue : une curiosité malsaine se ressent. Finalement, le dénouement laissera place à une scène stressante et filmée correctement (la seule), bien que cela semble sans grande difficulté. Le film s’achève sans qu’on ait compris le réel intérêt de tout ça. Un film vide de question, vide de réponse forcément.

    C’est dommage d’achever un week end cinématographique ainsi mais mes souvenirs resteront liés au bon « Kaleidoscope » et à l’excellent « Laissez bronzer les cadavres » qui sort le 17 octobre en France. Je suis sûr que l’envie me poussera à revoir ce film. Un week-end c’est court pour un festival ayant pris cette ampleur. J’espère que ce condensé donne un aperçu des choix de programmation, des choix artistiques qui me paraissent plus originaux que ceux de Gerardmer. Il y aurait encore beaucoup à dire sur le FEFFS, qui propose également des activités annexes ludiques. Cette année, le festival proposait un bal des vampires dans le palais universitaire de Strasbourg, le concept devait être excellent. Bref, je ne suis pas leur promoteur, mais force est de constater que c’est un festival bien goupillé et qui n’est pas encore victime de son succès.
Notes :
68 Kill : 12 avec alcool 9 sobre
Kaléïdoscope : 13
The crescent : 9
Laissez bronzer les cadavres : 15
Most beautiful island : 8
Nifa.
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