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Grand Central (2013) de Rebecca Zlotowski Avec Tahar Rahim, Léa Seydoux, Olivier Gourmet...

   Grâce à un premier film réussi, "Belle épine", Rebecca Zlotowski s'est fait un nom dans le cinéma français. La jeune réalisatrice n'a pas froid aux yeux dès qu'il s'agit de dresser le portrait de personnages tourmentés, fragiles ou violents. "Jimmy Rivière", dont elle est scénariste, le confirme. La dureté du quotidien explose à la gueule de ses anti-héros et à la nôtre par la même occasion. Bref, vous l'aurez compris, Zlotowski n'est pas là pour amuser la galerie. Au delà de la qualité sa mise en scène ou de ses scénarios, qui se discute, la cinéaste a un savoir-faire incontestable en matière de direction d'acteurs. Dans "Belle épine", Léa Seydoux et Anaïs Demoustier révélaient ainsi leur immense talent.  
   Avec "Grand Central", Zlotowski confirme en partie ces belles promesses. Le sujet traité est audacieux, pour ne pas dire ambitieux : dans la banlieue lyonnaise, Gary est embauché dans une centrale nucléaire. Les radiations sont un danger permanent. Mais un autre danger, aussi venimeux, le guette : Karole, la compagne de son collègue Tony. Cette dernière semble jouer avec lui. Pourquoi agit-elle ainsi ? Que cherche-t-elle ?
   Autant le dire dès maintenant, l'énorme point fort du film est à chercher du côté des acteurs. Tous sont excellents. Zlotowski a eu l'intelligence de s'entourer de ce qui se fait de mieux : Tahar Rahim est, comme à son habitude, formidable. Léa Seydoux est parfaite dans le rôle de la séductrice diabolique. Les seconds rôles ne sont pas en reste : Olivier Gourmet, dont on ne dira jamais assez à quel point il est l'un des plus grands acteurs actuels, est phénoménal. Denis Ménochet et Johan (beau prénom) Libéreau ne souffrent pas de la comparaison.
   C'est donc avant tout grâce aux acteurs que l'on plonge tête la première dans cette histoire maussade. On souffre avec les personnages. On les accompagne dans la centrale. On s'inquiète pour eux. Mais un arrière-goût désagréable nous reste en bouche. La faute, d'abord, à un montage étrange. Dès qu'une scène s'étire un tantinet, la cinéaste choisit de l'interrompre pour passer à la suite. Craignait-elle de nous ennuyer ? "Grand Central" est, d'une certaine façon, un film d'auteur fabriqué comme un divertissement hollywoodien. Gary et Karole ne tiennent pas en place. Le montage est trop nerveux. On ne sait jamais ce qu'ils pensent, ce qu'ils ressentent puisqu'ils n'ont pas le temps de l'exprimer.
   Autre point faible évident du film : l'ombre constante de Jacques Audiard planant au-dessus de la tête de Zlotowski. Tout, absolument tout dans "Grand Central", nous rappelle les quatre derniers films du maître : "Sur mes lèvres", "De battre mon coeur s'est arrêté", "Un prophète" et "De rouille et d'os". Même histoire d'amour impossible. Mêmes tourments intérieurs. Mêmes plans serrés sur les visages. Mêmes relations familiales tragiques. Même ambiance inquiétante. Zlotowski pousse le vice jusqu'à faire de son personnage principal (interprété par Tahar Rahim, acteur révélé chez.... Audiard) un type quasi muet : la caractéristique principale de tous les personnages du grand Jacques ! Comment, dans ces conditions, ne pas sortir de la salle de cinéma, en ayant l'impression d'avoir vu du sous-Audiard ?
 
Note : 12/20
Johan Girard
  
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