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Inside Llewyn Davis (2013) de Joel et Ethan Coen avec Jutin Timberlake, Carey Mulligan, Oscar Isaac...

   Quand je repense à ce film, il me vient en premier lieu une atmosphère, des jeux d’ombres et de lumières, d’ambiances et de cadrages qui permettent de mieux faire vivre ces personnages qui déambulent de Greenwich village à Chicago, des plans qui mettent en valeur un visage et peuvent ainsi se passer de dialogue et, paradoxalement de musique. Voilà le grandiose aussi, trouver une juste mesure entre un « film musicale » et un « film dramatique », savoir où la scène se passe de son (calmez-vous, on n'est pas non plus dans "Bande à Part", où Godard avait littéralement coupé le son), mais quand même, on ne pense pas assez que des scènes n’ont besoin que d’un petit rien pour devenir cultes. Ce petit rien, c’est un moment de silence ménagé qui permettent ainsi de mieux mettre en valeur les complaintes chantées de Llewyn Davis, personnage fictif et pourtant si vrai, accablé par les coups du sort et croisant sans cesse ces stars de demain qu’il ne sera jamais, un outsider quoi. Mais un outsider attachant, souffrant de la perte de son partenaire et cherchant ainsi laborieusement à s’en sortir. Vivant de petits riens extirpés à des amis ou à des inconnus, enchainant les canapés d’un soir et vivant ainsi au jour le jour, comme on ne le fait plus, tentant sa chance en partant pour Chicago et donnant ainsi lieu à une des séquences les plus mémorables du film : du covoiturage avec un héroïneman (joué par John Goodman, génial) et son soufifre. Le trajet est long, et les scènes sont à l’image de cette aventure : lentes et ennuyeuses. Pourtant il y a toujours ce petit rien pour nous faire ressentir le malaise de Llewyn, son humour aussi à prendre le bon côté de chaque situation.
   Car Llewyn Davis à le chic pour prendre les mauvaises décisions : renoncer à ses droits d’auteurs, ne pas mettre de capote, laisser le chat s’enfuir… Mais chaque situation a son cruel et son pendant : le chat permet de transformer une banale scène de train en épopée, la capote de s’apercevoir qu’on a vraiment raté beaucoup de choses dans sa vie, des choses dont on n'a pas forcément l’étoffe d’assumer… Comme une leçon de vie : tout ce qui nous arrive dépend dans les grandes lignes de nos décisions et actions.
   Ce film est un cycle, nous dévoilant le quotidien d’un homme blessé qui ne s’apaise que lorsqu’il chante, luttant au jour le jour dans un hiver glacial pour survivre, faisant circuler le chapeau dans les bars où il circule, prenant des coups, et se relevant toujours pour vivre de sa passion malgré ses doutes. Voilà, en quelques mots, ce qu’on pourrait dire de ce film : un personnage antipathique de base mais attachant parce que ce grand enfant est aussi une part de nous (qui n’a jamais rêvé de vivre au jour le jour de sa passion, sans les affres de la société et de nos impératifs humains ?) et quand il chante « hang me, oh hang me » de Dave Von Ronk, c’est sa douleur qui se communie à la nôtre, plus enfouie.
  Ce film laisse un souvenir difficilement traduisible, il faut le voir pour comprendre, les Coen nous convie à partager une tranche de vie et tout est fait pour que nous passions un bon moment : la mise en scène, les acteurs (Oscar Isaac est SUPERBE), et ce ton décalé dans ces scènes dramatiques de la vie quotidienne, si justes.
 
Note : 18/20
Laureline Massias
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