top of page

Le Passé (2013) de Asghar Farhadi avec Bérénice Bejo, Tahar Rahim, Ali Mosaffa...

  Ahmad débarque à Paris à la demande de Marie, sa femme, qu'il n'a pas vue depuis quatre longues années. Le couple se sépare. Marie a un nouvel homme dans sa vie, Samir.


  Puisqu'il existe des avertissements destinés au public pour les films comportant un certain niveau de violence ou de sexe, il devrait exister un avertissement pour les films aussi intelligents que "le passé". A dire vrai, on n'y est plus habitué. Le spectateur non averti pourrait prendre peur. Fuir à la fin du premier quart d'heure, allant même jusqu'à interroger la caissière du cinéma : "mais qu'est-ce donc que ce film qui repose sur les personnages et les dialogues ?".
  Les influences de Asghar Farhadi, il faut aller les chercher du côté d'Ingmar Bergman et du Woody Allen période "September". Rien que ça. Mais puisque comparaison n'est pas raison, allons directement à l'essentiel. Eteignez TF1, rebranchez votre cerveau et, surtout, accrochez votre ceinture.
  Marie et Ahmad se séparent. Ahmad semble avoir encore des sentiments mais Marie ne lui laisse aucun espoir. Dans le logement qu'ils ont partagé, là où les affaires d'Ahmad trainent encore, Samir a pris place. Lui non plus n'a pas encore divorcé. Sa femme est dans le coma. Ahmad tire la tronche et il n'est pas le seul. Lucie est en colère contre sa mère.
  A Partir de là, c'est au spectateur d'intégrer les informations que le réalisateur veut bien livrer, les comprendre, les digérer, que cela concerne des choses à priori sans importance (qui est le père de Lucie ? Où est-il?) ou des données essentielles (pourquoi la femme de Samir est-elle dans le coma ? Que s'est-il passé ? Pourquoi Lucie est-elle aussi dure avec sa mère ? Cache-t-elle quelque chose ?)
  Dès lors, le film s'enrichit, chaque minute, d'ingrédients plus ou moins pimentés concernant le passé de chacun des personnages. Ce passé qui, par définition, est derrière eux mais qui les dévore au quotidien. Ce passé dont ils ne peuvent se dépêtrer sans heurts, sans souffrances, et sans larmes.
Certains metteurs en scènes se contenteraient d'ausculter la relation Samir/Marie ou Ahmad/Marie, d'autres, comme Sautet l'a fait dans le sublime "Cesar et Rosalie", auraient l'ambition d'analyser en profondeur le triangle amoureux, ne délaissant aucun des trois personnages centraux. Asghar Farhadi va plus loin. Il intègre à son récit des personnages, à priori secondaires mais à priori seulement, comme Naïma, l'employée de Samir. Il balance à la gueule des personnages, donc du spectateur, ces fameux questionnements du passé devenus souffrances du présent. C'est ainsi que Samir s'interroge sur l'amour que lui portait sa femme. Savait-elle que Marie et Samir avaient une relation dans son dos ? L'aimait-elle encore ?
  La richesse du scénario, la beauté de l'écriture font le reste. Le spectateur n'a plus qu'à se délecter.
  "Le passé" est si fort, si puissant qu'il n'est pas vraiment un film mais plusieurs films à la fois. La preuve : à la sortie de la projection, les spectateurs qui débattent, confrontent leur point-de-vue n'ont jamais le même avis, n'ont pas vu les mêmes choses : "une larme ? Quelle larme ?", "Une main serrée ? Immobile ?". A vous de voir. Et peu importe ce que vous y verrez après tout car dans "le passé" il n'y a ni bon, ni méchant, ni gentil, ni salaud, il y a juste des êtres humains, avec leur égoïsme, leur lâcheté, leurs cas de conscience.


NOTE : 18/20

Johan Girard

bottom of page