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L'étreinte Du Serpent (2015) de Ciro Guerra avec Brionne Davis, Jean Bijvoet, Nilbio Torres...

     Il est toujours délicat dans l’exercice de la critique de vous parler du synopsis, ne pas trop en dire tout en vous donnant goût à l’œuvre. L’histoire (inspirée de faits réels) est séparée en deux temps. Le premier se déroule en 1909 où Theodor Koch-Grunberg, malade, recherche la Yakruna, une plante, afin de se soigner. Le deuxième se déroule en 1940. Richard Evans Schultes suit les traces de Theodor pour retrouver la même Yakruna dans un dessein scientifique. Trois dénominateurs commun à ces deux récits : Karamakate le chaman amazonien guide des deux hommes, la Yakruna donc et l’Amazone dont l’histoire ondule toujours selon ses rives et ses cours. Les deux histoires s’entremêlent par ces lieux traversés et par les personnes rencontrées.
   L’un des thèmes centraux du film est le rapport entretenu entre l’homme «blanc» et les peuples indigènes de l’Amazonie. Les relations sont complexes, ambiguës et soulèvent bien des questionnements sur l’esprit colonial. Bien que les deux protagonistes (Theodor et Evans) paraissent bien attentionnés, avec un esprit d’ouverture et un désir de savoir, Karamakate ne cessera de leur rappeler leurs tics occidentaux, qui dans ces lieux paraissent au mieux stupides, au pire dangereux. D’une manière plus globale, leur parcours sera ponctué par les exactions et la bassesse de l’homme blanc en Amazonie : l’exploitation destructive du caoutchouc avec une main d’œuvre esclave (sous la poigne des caucheros colombiens), l’ethnocentrisme des missionnaires catholiques prêts à éradiquer avec un traitement brutal la culture «démoniaque» des amazoniens ou autres brutalités militaires. Une peinture qui suinte le dégoût. On est peut-être Charlie, mais on est peu fier de la culture et de l’histoire occidentales lorsque le générique de fin arrive...
   Comment ne pas prendre parti quand, en face, Karamatake (personnage énigmatique au possible) propose une grille de lecture et un rapport avec son milieu tout à fait différents. L’Amazonie prend sous son regard, un visage mystique, une terre qui ne pourrait se comprendre que dans le royaume du rêve, qui deviendrait accessible à l’aide des plantes qu’a le chaman dans sa besace. L’étreinte est forte alors, on baigne dans un imaginaire rappelant la littérature colombienne, le réalisme magique de "100 ans de solitude" (Gabriel Garcia Marquez) par exemple.
   La mise en scène est belle et sert les pans du récit énumérés précédemment. Le réalisateur jongle entre plans fixes concentrés sur le biotope amazonien et steady cam concentrée sur les mouvements des personnages, ainsi que sur leurs faciès. La nature apparaît tantôt hostile et impressionnante (la montagne de la scène finale illustre parfaitement cet aspect) face à la petitesse des hommes puis belle et riche quand on entre dans le pays des mystères.
   Il y a des œuvres dont on n'ose pas parler, par peur d’en dire des bêtises, de ne pas être assez doué pour le faire comme si une œuvre pouvait nous écraser de sa superbe, de son intelligence. Puis, on le fait quand même ! Ca fait toujours plaisir de tenter de vous donner goût à un film aussi passionnant. Alors, profitez, c’est vraiment pas tous les jours qu’on a l’occasion de visionner quelque chose d’aussi original.
 
Note : 17/20
Nifa
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