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Mean Streets (1973) de Martin Scorsese avec Harvey Keitel, Robert de Niro, David Proval...

    Harvey Keitel et Robert de Niro sur la même affiche ? On ne va pas se mentir, ça ferait saliver n'importe quel cinéphile digne de ce nom. Et pourtant... En 1973, les deux larrons ont à peine les dents qui poussent et ne font pas encore rêver les foules. Heureusement pour eux ils vont tomber sur tonton Scorsese, qui est, à l'époque, un jeune cinéaste n'ayant pas encore acquis ses lettres de noblesse. « Mean Streets » : une pierre, trois coups. 
    L'histoire se déroule dans le quartier new yorkais de Little Italy, si vous êtes un minimum malin vous aurez donc deviné qu'on va aller se balader dans le milieu mafioso. En effet, Charlie (Harvey Keitel) est un truand de seconde zone prêt à se lancer dans le grand bain et devenir un caïd par l'appui de son oncle qui est lui-même  parrain (voir Wikipédia si vous ne connaissez pas la hiérarchie de la mafia italienne). Pourtant, Charlie est tiraillé par sa foi catholique qui ne semble pas tout à fait en adéquation avec les mœurs du milieu (bien que les mafiosos soient très croyants). Pour acquérir un semblant de rédemption, il décide d'aider son ami, Johnny Boy (Robert de Niro), un jeune gangster arrogant et imprudent. 
    La grande force de ce film est donc de nous plonger dans le milieu mafioso sur fond de rock 60's et 70's tout en nous présentant un personnage torturé. Keitel campe à merveille ce mafioso trentenaire désabusé, totalement indécis sur les choix qu'il doit faire et qui semble même prisonnier à cause de son hérédité ancestrale. Durant tout le film, le personnage de Charlie est obligé de se lancer dans une carrière qui l'oblige à s'émanciper des personnes auxquelles il tient le plus et qui l'éloigne de sa quête de rédemption. Le dilemme est cruel et la conclusion du film cherche à prouver qu'il est surtout insoluble. Les mimiques dramatiques, clés du  jeu de Keitel, sont déjà présentes, annonciatrices de son rôle dans « Bad Lieutenant » presque vingt ans plus tard... 
    A l'opposé, Johnny Boy est un branleur qui se fout de tout joyeusement tant qu'il y a à boire et des femmes. Souvent tête à claque, de surcroit menteur, Johnny accumule les dettes auprès de personnes du milieu qui ne sont pas réputées pour leur patience. Cette autodestruction programmée est à l'opposé de la rédemption souhaitée par son mentor (Charlie), l'opposition de style entre les deux amis est souvent électrique mais touchante dans des moments de franche allégresse. Car si De Niro incarne aussi bien ce jeune gangster, parfois agaçant, c'est aussi parce qu'il arrive à le rendre touchant et presque naïf. On se prend même à rire quand il se fout ouvertement de la gueule des mafiosos censés être ses supérieurs. Ce n'est pas une grande surprise si ce film a permis de lancer la fameuse collaboration entre Scorsese et De Niro tant il crève l'écran à chacune de ses apparitions.
    « Mean Streets » apparaît vraiment comme un ovni par rapport à la filmographie de Scorsese (hormis peut être « Taxi Driver »). Les films de Scorsese jouissent souvent d'une réalisation propre et léchée tant au niveau de l'éclairage qu'au niveau des plans. Pour son premier « grand » film, Scorsese est plutôt dans un registre opposé. Les plans sont souvent tournés caméra à l’épaule, suivant de manière énergique les pas de Charlie, comme pour indiquer le stress du personnage. En résulte une caméra qui peut donner la nausée mais qui affiche le résultat voulu. De plus, le grain de l'image est souvent teinté d'un halo rouge et sombre, comme pour montrer que nous nous trouvons dans des milieux sales, où la morale n'a pas souvent sa place. Ce style épuré permet une immersion plutôt réaliste dans la pègre. 
   « Mean Streets » est donc le premier film de Scorsese sur la mafia. Il retentera avec brio et succès l'expérience mafieuse avec « Les Affranchis » (1990) et  « Casino » (1995). « Mean Streets » vaut le détour pour plusieurs raisons. Il est l'un des premiers films d'un des réalisateurs les plus brillants de sa génération. Il est également totalement différent du point de vue de la réalisation que le reste de sa filmographie. Et enfin, Harvey Keitel et Robert de Niro, ça vous dit quelque chose ?
 
Note : 18/20
Nifa
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