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Snowpiercer (2013) de Bong Joon-Ho avec Chris Evans, Tilda Swinton, Song Kan-Ho...

    Si vous n'étiez pas encore au courant, la Corée du Sud n'excelle pas seulement dans l'industrie automobile bon marché et la nourriture bizarre à base de crustacé vivant. Depuis une dizaine d'années, une tripotée d'excellents films s'exportent de la péninsule. Parmi eux, de nombreux thrillers qui ont renouvelé les codes du genre, quitte à venir marcher sur les plates bandes des productions ricaines. Bong Joon-ho est sûrement le meilleur exemple de cette réussite coréenne, comme peuvent en témoigner les brillants « Memories of murder » et « Mother ». Reste maintenant à savoir si le récit d'anticipation réussit aussi bien au réalisateur que les sombres nuits pluvieuses de ses thrillers. Veuillez embarquer dans ce train infernal qu'est « Snowpiercer ».
 
   « Snowpiercer », sacré nom il faut le dire, surtout si on s'attarde sur la traduction française : Le Transperceneige. Derrière ce nom barbare, se cache une bande dessinée publiée en 1984 (étrange coïncidence...) chez Casterman. Bong Joon-Ho ne retiendra que le speech principal de cette œuvre, il prend le parti de réinterpréter à sa guise ce récit d'anticipation.
 
   Le point de départ du récit se situe à notre époque. Comme à son habitude, l'humanité a merdé et plutôt bien pour le coup. En voulant enrayer le réchauffement climatique par un sombre procédé biochimique, les scientifiques, les États et compagnies ont réussi à plonger la Terre dans une terrible ère glaciaire, impropre à toute faune et flore. Ce qui est relativement ballot pour nous autres humains, vous en conviendrez. Dans cette triste parabole sur la connerie humaine, Wilford (Ed Harris), un riche mégalomaniaque devient le sauveur de la race humaine. En anticipant l'échec de l'humanité, Wilford décide de faire construire une ligne de train couvrant la Terre entière et parcourue par un train (le transperceneige) des plus sophistiqués ne s’arrêtant jamais, ce qui permet aux Hommes de rester bien au chaud et de former une nouvelle société au sein même des wagons. Nous autres utopistes pourrions nous attendre à ce que cette humanité très réduite en profite pour former une société plus juste et plus égalitaire. Que nenni ! On reprend les mêmes et on recommence, en pire. Ainsi, à l'avant du train se trouve ceux qui ont pu payer leurs tickets au prix fort, formant une nouvelle bourgeoisie superficielle. Plus on recule, moins les voyageurs sont bien lotis, métaphore sur ce qu'est notre société actuelle. Tout derrière se trouve les prisonniers, les vilains pauvres qui sont condamnés pour avoir resquillé. En 2031, l'heure est à la révolte pour les passagers du fond, Curtis (Chris Evans), un homme au lourd passé s'improvise Che et est bien décidé à remonter jusqu'à la locomotive, pour faire face au ténébreux Wilford. Pas besoin de vous en dire plus sur le scénario, je me suis suffisamment étalé dessus. Sachez juste que c'est un récit de qualité qui vous fera penser à de nombreux chefs d’œuvres d'anticipation, que ce soit dans la littérature ou au cinéma (un petit « 1984 » par là, un petit « Soleil vert » par ci).
 
   Pour parachever le tout de belle manière, Bong Joon-ho a sorti l'artillerie lourde niveau réalisation. Les deux heures du film paraissent courtes tellement le réalisateur tient son public en haleine. Les scènes s’enchaînent de façon très fluides et laissent l'intrigue s'installer progressivement, faisant monter la tension au fil des révélations du récit. Surtout, le brio du coréen s'exprime dans sa capacité à nager entre les genres sans noyer son audience, comme il avait également pu nous le prouver dans l'étonnant « The Host ». Le postulat de base est clairement du côté de la Science- Fiction, pourtant certaines scènes sont tournées vers l'action chorégraphiée (ce magnifique travelling lors de la scène du tunnel en est le parfait exemple, une des meilleurs scènes de 2013 sans aucun doute), d'autres sont des dialogues teintés d'humour noir sur fond de propagande orwellienne. On voyage ainsi entre les genres sans être choqué par ces divers changements de ton. Après tout, ce film est une épopée dans un vaste huis clos, un doux paradoxe sublimé par ces bouleversements fréquents de style. A chaque wagon son ambiance.
 
   En plus de ça les acteurs sont bons même Chris Evans, croyez le ou non ! Ne tirons pas de plan sur la comète mais peut-être que le monsieur a une carrière devant lui et pas seulement dans les adaptions pourris de comics (car oui globalement 90% des adaptations sont nazes, je chiale encore pour « V pour Vendetta » et « From Hell »). Tilda Swinton interprète une commandante fanatique et dégénérée de façon juste tandis qu'Ed Harris incarne à lui tout seul le pouvoir cynique. Enfin, Song Kang-Ho, en ingénieur junkie est fidèle à lui même, c'est-à-dire très bon, comme il le fut notamment dans « Memories of murder » et « Le bon, la brute et le cinglé ». Tout ça pour dire que le casting est au niveau de l'écriture et de la réalisation.
 
   J'ai beau cherché mais je ne vois guère de gros points noirs qui viendraient ternir le tableau, le film est une réussite et l'un des meilleurs films du millésime 2013. Les pinailleurs critiqueront éventuellement la fin du film, un peu abrupte ou bien encore quelques écarts invraisemblables mais pour une fois ne gâchons pas le plaisir !
 
Note : 18/20
Nifa

 

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