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The Strangers (2016) de Na Hong-Jin avec Cheon Woo-Hee, Hwang Jeong-Min, Kwak Do-Won...

    Petit rappel des faits : le film est vendu comme Thriller-Policier-Drame, c'est important pour la suite. Le film démarre avec le réveil du policier Jong-ju (Kwak Do-Won), il est lent, feignant et plutôt gauche. Il arrive ainsi en retard sur les lieux d'un meurtre sanglant et atroce : un homme a mutilé toute sa famille et semble plongé dans la folie, son corps est mystérieusement couvert d'urticaire. La première partie du film suit ce schéma, avec d'autres meurtres suivant ce modus operandi. En d'autres termes, tous les ingrédients sont mis en place pour un thriller typiquement coréen : des policiers nigauds, presque dans un registre de farce, faisant face à un tueur intelligent dont les « œuvres » sont tordues, immorales et dégoûtantes. Tout semblerait classique si une ombre fantastique ne planait pas : un ermite japonais rôde dans la forêt, les rumeurs locales se font l'écho des pire folies, certains disent de lui qu'il est le diable en personne… A ce moment du film, nous sommes devant un tournant et une question nous taraude : Est-ce que sont juste des gros péquenauds un peu xénophobes et stupides ou bien sommes-nous en train de basculer dans un tout autre registre ? Cette question, m'a suivi durant tout le film, jusqu'au dernier quart d'heure où le doute n'était plus permis.
    "The Strangers" est de ces films qui jaugent notre rationalité, notre esprit cartésien ou non. A bien des égards, le film de Na Hong-Jin s’inscrit dans les meilleures nouvelles de Lovecraft, maître de l'horreur, du fantastique. Nous sommes face à une terre reculée, où les mythes ruraux font partie intégrante du quotidien des habitants. Ici le vaudou est encore en vogue, bien plus qu'un christianisme balbutiant représenté par un jeune diacre, généreux mais encore naïf. Tout comme chez l'auteur américain, le mal absolu, revêtant des caractères paranormaux, est présent avec ses disciples bien que l'on refuse de croire à cette éventualité. Cette confrontation entre réel et irréel fait naître en nous une terrible angoisse, à tel point qu'on s'imagine ne plus pouvoir se balader dans nos montagnes avec seulement la beauté de la nature à perte de vue. Le genre d’œuvre qui vous pourrit un trek dans les Alpes.
    Les scènes tournées dans les bois suintent cette angoisse. Elles sont terriblement efficaces et donc parfaitement maîtrisées par le réalisateur. Je frémis encore en me rappelant ce que cachaient ces feuillages, ce qu'une cabane ridicule abritait en son sein. L'horreur est souvent absurde. Elle atteint ici son paroxysme dans une scène de rite vaudou, bruyante, sanglante et tout simplement incompréhensible pour toute personne bienveillante. L'effet escompté est donc garanti, la mise en scène ayant un fort impact sur les émotions du spectateur, littéralement plongé dans l'horreur et l’irréel.
    Les dernières scènes lèvent le voile sur toute l'intrigue, mais ne lèvent pas pour autant le pied niveau horreur. Heureusement, d'ailleurs, Na Hong-Jin est resté fidèle à sa démarche entreprise au cours de son film. Une démarche surprenante quand tout laisse penser que nous avons à faire un thriller policier, mais ô combien réussie et jouissive. Le cinéma coréen est souvent surprenant, sachant redynamiser des genres quelque peu à l'arrêt. Amateurs de Carpenter ou bien de littérature fantastique, vous serez ravis de voir comment les codes du genre sont habilement bien exploités et distillés dans un savoir faire typiquement coréen.
 
Note : 17/20
Nifa
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